Le Système n'est pas « méchant », il est dépassé
Je te propose aujourd'hui l'extrait d'un livre que j'ai lu il y a plusieurs années et que j'avais beaucoup aimé, et que je voulais partager ici depuis un bout de temps sans prendre le temps de rechercher ce passage.
Il s'agit d'un court ouvrage de Bernard Werber, auteur contemporain surtout connu pour sa "trilogie des Fourmis", et globalement pour toute son oeuvre mélangeant assez habilement philosophie, spiritualité, science-fiction, dans des ouvrages assez faciles d'accès.
L'ouvrage en question est "Le Livre du Voyage", un livre très court qui a la particularité de s'adresser directement au lecteur, en employant le tutoiement que j'affectionne particulièrement ici.
Je l'ai lu la première fois durant mon adolescence, et j'ai toujours gardé en mémoire ce passage intitulé "Lutte contre le système" :
Il est cubique, titanesque, froid.
Il est doté de chenilles qui écrasent tout.
C'est le système social dans lequel tu es inséré.
Sur ses tours tu reconnais plusieurs têtes. Il y a celles
de tes professeurs,
de tes chefs hiérarchiques,
des policiers,
des militaires,
des prêtres,
des politiciens,
des fonctionnaires,
des médecins,
qui sont censés toujours te dire si tu as agi bien ou mal.
Et le comportement que tu dois adopter pour rester dans le troupeau.
C'est le Système.
Contre lui ton épée ne peut rien.
Quand tu le frappes, le Système te bombarde de feuilles :
carnets de notes,
P.V.,
formulaires de Sécurité sociale à compléter si tu veux être remboursé,
feuilles d'impôts majorés pour cause de retard de paiement,
formulaires de licenciement,
déclarations de fin de droit au chômage,
quittances de loyer, charges locatives, électricité, téléphone, eau, impôts locaux, impôts fonciers, redevance, avis de saisie d'huissier, menace de fichage à la Banque de France, convocations pour éclaircir ta situation familiale, réclamations de fiche d'état civil datée de moins de deux mois...
Le Système est trop grand, trop lourd, trop ancien, trop complexe.
Derrière lui, tous les assujettis au Système avancent, enchaînés.
Ils remplissent hâtivement au stylo des formulaires.
Certains sont affolés car la date limite est dépassée.
D'autres paniquent car il leur manque un papier officiel.
Certains essaient, quand c'est trop inconfortable, de se dégager un peu le cou.
Le Système approche.
Il tend vers toi un collier de fer qui va te relier à la chaîne de tous ceux qui sont déjà ses prisonniers.
Il avance en sachant que tout va se passer automatiquement et que tu n'as aucun choix ni aucun moyen de l'éviter.
Tu me demandes que faire.
Je te réponds que, contre le Système, il faut faire la révolution.
La quoi ?
LA RÉVOLUTION.
Tu noues alors un turban rouge sur ton front, tu saisis le premier drapeau qui traîne et tu le brandis en criant :
« Mort au Système. »
Je crains que tu ne te trompes.
En agissant ainsi, non seulement tu n'as aucune chance de gagner, mais tu renforces le Système.
Regarde, il vient de resserrer les colliers d'un cran en prétextant que c'est pour se défendre contre « ta » révolution.
Les enchaînés ne te remercient pas.
Avant, ils avaient encore un petit espoir d'élargir le métal en le tordant.
À cause de toi, c'est encore plus difficile.
Désormais, tu as non seulement le Système contre toi, mais tous les enchaînés.
Et ce drapeau que tu brandis, est-il vraiment le « tien » ?
Désolé, j'aurais dû t'avertir.
Le Système se nourrit de l'énergie de ses adversaires.
Parfois il fabrique leurs drapeaux, puis les leur tend.
Tu t'es fait piéger !
Ne t'inquiète pas : tu n'es pas le premier.
Alors, que faire, se soumettre?
Non.
Tu es ici pour apprendre à vaincre et non pour te résigner.
Contre le Système il va donc te falloir inventer une autre forme de révolution.
Je te propose de mettre entre parenthèses une lettre.
Au lieu de faire la révolution des autres, fais ta (r)évolution personnelle.
Plutôt que de vouloir que les autres soient parfaits, évolue toi-même.
Cherche, explore, invente.
Les inventeurs, voilà les vrais rebelles !
Ton cerveau est le seul territoire à conquérir.
Pose ton épée.
Renonce à tout esprit de violence, de vengeance ou d'envie.
Au lieu de détruire ce colosse ambulant sur lequel tout le monde s'est déjà cassé les dents, ramasse un peu de terre et bâtis ton propre édifice dans ton coin.
Invente. Crée. Propose autre chose.
Même si ça ne ressemble au début qu'à un château de sable, c'est la meilleure manière de t'attaquer à cet adversaire.
Sois ambitieux.
Essaie de faire que ton propre système soit meilleur que le Système en place.
Automatiquement le système ancien sera dépassé.
C'est parce que personne ne propose autre chose d'intéressant que le Système écrase les gens.
De nos jours, il y a d'un côté les forces de l'immobilisme qui veulent la continuité, et de l'autre, les forces de la réaction qui, par nostalgie du passé, te proposent de lutter contre l'immobilisme en revenant à des systèmes archaïques.
Méfie-toi de ces deux impasses.
Il existe forcément une troisième voie qui consiste à aller de l'avant.
Invente-la.
Ne t'attaque pas au Système, démode-le !
Allez, construis vite.
Appelle ton symbole et introduis-le dans ton château de sable.
Mets-y tout ce que tu es : tes couleurs, tes musiques, les images de tes rêves.
Regarde.
Non seulement le Système commence à se lézarder.
Mais c'est lui qui vient examiner ton travail.
Le Système t'encourage à continuer.
C'est ça qui est incroyable.
Le Système n'est pas « méchant », il est dépassé.
Le Système est conscient de sa propre vétusté.
Et il attendait depuis longtemps que quelqu'un comme toi ait le courage de proposer autre chose.
Les enchaînés commencent à discuter entre eux.
Ils se disent qu'ils peuvent faire de même.
Soutiens-les.
Plus il y aura de créations originales, plus le Système ancien devra renoncer à ses prérogatives.
Je t'invite bien entendu à lire cet ouvrage étonnant en entier si tu en as l'occasion.
Tu aimes ce site ?
Tu devrais lire aussi
Commentaires
Nairolf
02/04/2014
Permalien
Bonjour,
C'est mon premier commentaire ici, alors que je suis ton blog depuis un mois ou deux.
Je trouve ton blog plutôt instructif, mais je dois admettre que peut-être un billet sur trois ne me semblent pas aussi pertinents que les autres.
J'étais sceptique avant de lire cette article, surtout qu'il parlait de Weber. Mais je crois qu'il s'agissait que d'apriorio.
Finalement, je devrais peut-être revoir mon opinion pour cet écrivain, ce qu'il dit n'est pas si "démago" que je l'imaginais.
Merci de m'avoir ouvert l'esprit aujourd'hui.
coreight
07/04/2014
Permalien
Merci pour ce témoignage et premier commentaire alors :-)
Et n'hésite pas à me faire part des billets que tu juges moins "pertinents". Difficile de contenter tout le monde sur un espace aussi subjectif qu'un blog personnel, mais je suis preneur de tous les retours possibles des lecteurs qui passent par ici.
Lionel Miraton
02/04/2014
Permalien
Waouh ! Je croyais avoir tout lu de Werber et j'étais passé à coté de ça.
J'ai du mal à commenté tant ce texte résonne parfaitement avec mon sentiment et ma vision.
Je me contenterais d'un merci, à toi pour la découverte, à B.W. pour le cadeau.
Glenn
02/04/2014
Permalien
Lu il y a très longtemps également, j'allais justement le mettre dans les mains de mon grand garçon. Plein de bon sens là-dedans, et s'il est vrai que Werber à une prose plutôt simplette, elle a le grand mérite d'être très accessible et de se lire très aisément. J'ai tout lu du monsieur. C'est dire à quel point j'aime la simplicité. Merci pour cette diffusion !
Adrien
24/11/2016
Permalien
Pour une version en musique de cet extrait ! :
https://www.youtube.com/watch?v=AIehmBQcIWg