Et voilà, c'est en route. Ce sera bientôt la fin des frais de ports offerts pour les livres vendus sur Internet.

Décision d'un marchand cupide pour augmenter ses marges ? Non, vote des députés de notre beau pays. Les vendeurs de livres ayant la possibilité avec la loi Lang de 1981 de pratiquer un rabais de 5%, ce ne sera désormais plus cumulable avec les frais de ports gratuits, rendant ainsi moins intéressants les vendeurs en lignes face aux boutiques physiques.

L'objectif affiché de cette nouveauté ? Protéger les libraires qui ont bien du mal à tenir le choc face à la toute puissante des mastodontes américains du web. Avec bien sûr l'ogre Amazon en ligne de mire.

Vu d'une autre façon, l'esprit critique aura vite fait de penser que nos dirigeants n'ont pas réussi à faire appliquer la fiscalité à cette entreprise dans notre pays, mais proposent une loi qui fera juste grimper la facture de 5% pour les consommateurs. Quant à un réel impact positif sur l'équilibre entre les boutiques physiques et les marchands en ligne, cela semble assez difficile à percevoir.

Sauver les espèces en voie de disparition ?

livre ebook

Il est facile de comprendre les inquiétudes des libraires face à la menace qui pèse sur leur environnement direct.

Mais détrompe-toi, cette menace ne s'appelle pas vraiment Amazon. Ce n'est pas non plus une quelconque autre multinationale américaine.

C'est bien plus gros. Bien plus puissant. Bien plus ancré dans les habitudes des gens.

Il s'agit d'Internet.

Celui-là même qui a permis la dématérialisation de la musique, de la vidéo, et le bouleversement de leurs modes de distribution. Comment les livres pourraient y échapper ? Leur format numérique a le vent en poupe, et les amateurs du "bon vieux livre en papier" semblent aussi trouver leur compte à acheter leurs ouvrages à partir d'un site Internet, n'importe quand, n'importe où, sans sortir de chez eux s'ils le souhaitent.

Que cherchent les lecteurs qui se rendent encore en librairie ?

Des conseils, des recommandations ? Ils se trouvent pas milliers sur le net pour celui qui sait chercher. A moins d'imaginer le libraire comme une sorte de spécialiste de la "curation" de bonne littérature ? () Certains semblent en tout cas s'accrocher à cette idée, mais les commentaires en disent long sur la déconnexion avec le public visé.

Ou alors, les clients recherchent peut-être une ambiance, une expérience, le contact humain ? Ils ont alors entièrement raison d'aller faire leurs achats chez le libraire de leur quartier, permettant le maintien d'un emploi local, et d'une boutique sortant un peu de l'ordinaire, perdue au milieu des innombrables banques et boutiques de prêt-à-porter.

Le problème est que ces irréductibles ne sont actuellement pas assez nombreux pour que ces entreprises parviennent à tenir le cap. C'est triste, mais c'est ainsi.

Nos gouvernants semblent alors vouloir opter pour la même solution que celle retenue pour le reste de l'industrie culturelle : mettre en place des freins ou des barrières pour lutter contre un phénomène inéluctable : l'évolution de la technologie et des usages qui l'accompagne.

N'y a-t-il aucune autre solution ? A-t-on encouragé ces entreprises à diversifier leurs activités ? A tenter de démontrer leurs avantages face à la vente en ligne ? A leur faciliter l'organisation d'événements autour de la lecture et du livre, à favoriser la rencontre et les échanges entre les auteurs et les lecteurs ?

Est-ce seulement envisageable, ou est-ce un combat perdu d'avance ? Difficile de le savoir sans avoir franchement essayé.

"L'orientation" politique retenue a de quoi laisser un goût amer. Celui que l'on perçoit lorsque l'on se rend compte que tout le monde perd quelque chose en route. Les consommateurs qui paieront plus cher pour un produit culturel identique. Les petites entreprises qui savent bien finalement que ce genre de geste ne suffira pas. Mais aussi, les électeurs-contribuables qui assistent au triste spectacle de l'impuissance des décideurs qu'ils ont élu. Pire même, de leur apparente incompréhension de l'évolution du monde dans lequel ils agissent.

Rassure-toi, je ne suis pas pessimiste sur le sujet. Et j'ai justement voulu l'aborder dans ma rubrique du lundi matin pour une bonne raison : cet exemple est parfait. Il n'y a pas de fatalité. Le goût amer que j'évoquais à l'instant a-t-il réellement raison d'exister, alors que la lecture au sens large vit une véritable révolution, sur le web, au format électronique, et toujours au format papier qui ne semble pas vouer à disparaître de si tôt ?

Que peux-t-on souhaiter à part envisager et essayer de profiter de toutes les opportunités offertes ?

Le changement n'est jamais facile. Mais il est sans doute plus aisé de tenter de l'embrasser que de rester accroché à une réalité qui fait déjà partie du passé.


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Commentaires

Portrait de jlbonneure

Bonjour.

A mon avis, cette loi ne changera pas grand chose, à part augmenter de 5% le prix des livres commandés sur internet. Les librairies physiques ne proposeront pas de toute façon pas des prix inférieurs à ceux des librairies virtuelles et ne pourront jamais offrir un choix aussi vaste. Je ne vais pas pour ma part revenir au temps où je devais attendre un livre plusieurs semaines alors que maintenant je peux le recevoir chez moi en deux ou trois jours. En plus je peux, via internet, l'obtenir à bas prix en l'achetant d'occasion, ou l'acheter dématérialisé. Les grandes surfaces vendent aussi les derniers succès de librairie à un prix raisonnable.

D'un autre côté, c'est quand même agréable de flâner dans une grande librairie, de regarder des "beaux livres" et éventuellement de se laisser tenter pour se faire un petit cadeau ou en offrir un. C'est un exemple, parmi d'autres, d'usages que pourraient exploiter les librairies physiques. Une question de réflexion et d'adaptation.

Mais vouloir lutter contre les avantages d'internet de nos jours est de toute façon peine perdue, et je serais prêt à parier que cette loi sera vite contournée !

Portrait de Chob

J'allais commenter, mais tout est dit dans ce commentaire ! Il y a des usages différents à des prix différents, je continuerai à charger ma Kindle ET à flâner dans les librairies, tout en me demandant ce que cherchent vraiment ces politiques, à part quelques voix (dans ce domaine, les libraires pèsent plus lourds qu'Amazon)...

Portrait de chrisagon

Avec un titre comme celui-ci je m'attendais à autre chose de votre part que la défense d'Amazon.
Pourquoi vouloir défendre le business model de Jeff Bezos (http://www.slate.fr/life/76226/cinq-choses-savoir-jeff-bezos-amazon-ache...) ?
Pourquoi défendre l'hypermarché en pensant que c'est la fin des épiceries ?
Il est normal d'empêcher le dumping commercial et fiscal d'une multinationale qui ne cherche que la maximisation de son profit au détriment des autres.
Il y a des hypermarchés, mais les épiciers, les traiteurs, les vendeurs des 4 saisons peuvent continuer à vivre de leur travail sans concurrence déloyale de la part des gros.
C'est la qualité et la valeur ajouté du conseil qui fera la différence.
L'avenir de la librairie est dans l'antithèse d'Amazon : la rencontre avec de vrais gens (auteurs, vendeurs), un lieu agréable et convivial.

Portrait de coreight

Bonjour,
Je ne crois pas du tout avoir défendu Amazon avec cet article. Le deuxième lien est d'ailleurs assez instructif sur l'empire de cette entreprise, et lorsque je parle de l'échec de nos gouvernements pour lui appliquer la fiscalité, ce n'est pas sans regrets.
Ce que j'ai voulu souligner, c'est l'inefficacité certaine de mesures comme celle dont on parle actuellement. Que ce soit Amazon, une entreprise du web française, ou la petite librairie du coin qui a décidé de distribuer une partie de ses livres  en ouvrant sa propre boutique en ligne, tout revient au même : les usages des gens ont changé, avec l'avancée de la technologie. Ce n'est pas uniquement la bataille du petit commerçant contre la grosse multinationale.
Les qualités que vous évoquez des petites enseignes (enfin, de certaines) sont tout à fait honorables ! Mais si elles ne suffisent plus aujourd'hui pour attirer suffisamment de clients et faire vivre ces entreprises, que doit-on faire ? Je n'ai pas la réponse, mais je suis sûr que reporter un coût supplémentaire sur les lecteurs n'y changera rien. Au contraire même, les livres électroniques ont sans doute des chances de percer encore un peu plus.

Portrait de Jérémy

Je suis également dans l'incompréhension suite à cette décision du gouvernement qui, au final, se fait au détriment du consommateur : nous paierons en moyenne nos livres plus cher.
Et le gain pour les libraires sera minime puisque nous serons toujours gagnants à acheter en ligne.
Encore un coup d'épée dans l'eau...

@chrisagon : Si seulement l'argument de la "valeur ajoutée du conseil" était vrai... Quand tu vois l'amabilité de certains "commerçants" et la piètre connaissance qu'ils ont de leurs produits, je préfère amplement aller faire mes achats en ligne. Je ne dis pas que c'est le cas partout, mais je n'ai clairement pas envie de faire 2 heures de route pour trouver un libraire digne de ce nom.

Voilà un point de vue qui colle bien à l'air du temps. Les commentaires sur l'article du Nouvel Obs sont en effet très instructifs pour comprendre les vraies motivations des consommateurs de livres achetés en ligne plutôt que dans une librairie.
Pour ajouter un témoignage, je ne vais plus beaucoup dans les librairies, car elles n'ont souvent tout simplement pas le livre que je souhaite, et je n'ai pas envie de me déplacer pour rien. Certaines grandes enseignes qui mixent les canaux de vente, comme la FNAC, proposent de renseigner le consommateur sur la disponibilité d'un livre en magasin. Mais ce n'est malheureusement pas toujours fiable. J'irais plus souvent dans les librairies si elles m'offrait une expérience consommateur vraiment unique, et en diversifiant leurs services. Par exemple, je serais prête à payer quelques euros pour pouvoir lire un livre ou une de mes chères BD, tranquillement installée avec un thé, dans un lieu chaleureux. Lieu où je pourrais éventuellement acheter aussi des livres. J'ai passé l'âge de m'affaler sur la moquette de la FNAC entre deux rayonnages de bandes dessinées...