Le grand Korben a publié un article dimanche dernier intitulé 10 étapes pour pirater la France, qui à l'air de déclencher pas mal de passions parmi ses lecteurs et autres curieux.

L'idée lancée comme une boutade est de se poser une question simple : serait-il possible de propulser à la Présidence de la République un candidat n'appartenant à aucun parti traditionnel, en établissant un programme collaboratif, en réunissant des fonds avec un système de financement participatif, avec l'objectif final de "rebooter" le pays en remettant à plat un certain nombre de choses qui semblent ne pas fonctionner ?

Si cette idée peut de prime abord sembler naïve et prêter à sourire, l'intérêt que semble y porter la communauté de ses lecteurs me paraît encourageante à plus d'un titre :

- elle semble confirmer l'impression grandissante d'un ras-le-bol massif du système "démocratique" en place, des partis et des élus censés nous représenter, d'un système qui semble dépassé.

- elle montre que nombreux sont les motivés pour proposer des avancées et faire bouger les lignes. Ils ne sont pas résignés, et surtout pas disposés à laisser indéfiniment le pouvoir aux mains de tiers en lesquels ils n'ont plus confiance.

- tout ça génère un joyeux foutoir dans lequel je suis certain que l'on ressortira une quantité de bonnes idées, et tout au moins une façon différente de voir les choses. Il s'agit avant tout de se rendre compte à nouveau que nous sommes tous les acteurs du fonctionnement de notre pays. 

Repenser le système démocratique, une idée loin d'être nouvelle

Démocratie vote

image Wikimédia / Rama

Nous sommes d'accord, les lecteurs de Korben (dont je fais partie) ne représentent qu'une frange de la population qui, même si je ne doute pas d'une certaine diversité de pensée et de sensibilité, doit globalement concentrer un nombre important de personnes d'une classe d'âge similaire, avec de forts intérêts pour certaines thématiques (dont le web et la technologie bien entendu).

C'est pourquoi il serait à mon sens dangereux de partir bille en tête sur l'élaboration d'un "programme" avec les lois et règlements que nous aimerions voir pour régir notre pays. C'est sans doute l'erreur que font tous les partis sortis de nulle part voulant se présenter comme des "alternatives" à chaque élection : ils ne gagnent souvent que le droit de passer pour des idéalistes marginaux ne cherchant au final qu'à défendre leurs intérêts propres... comme tous les partis traditionnels.

Korben l'explique d'ailleurs parfaitement dans un second article où il précise son idée de base : il ne s'agit pas d'imaginer la France comme nous aimerions qu'elle soit, mais avant tout la façon dont nous souhaiterons qu'elle soit gouvernée.

La différence est de taille.

Parmi les nombreux commentaires que j'ai pu lire, certains soulignent le fait que cette idée de "rebooter la démocratie" n'est pas nouvelle, et que beaucoup se sont déjà penchés sur la question. Il est vrai que les références ne manquent pas sur le web, et que l'on ressort régulièrement les interventions d'Etienne Chouard, des initiatives comme Les citoyens constituants, des documentaires comme celui-ci ou encore là, des articles comme celui-ci. Sans oublier bien entendu les différentes initiatives de partis pirates à travers le monde.

J'avoue un peu honteusement ne pas connaître suffisamment dans le détail le programme et les profondes motivations de chacune de ses initiatives pour pouvoir aujourd'hui me prononcer en accord avec l'une ou l'autre. Mais dans tous les cas, ces visions alternatives m'interpellent et je crois qu'il est indispensable de s'y intéresser.

Dans tous les cas, l'initiative lancée par Korben ne peut qu'apporter de nouveaux éléments à cet édifice en construction, et je crois que la multitude de connectés qui se penchera sur le sujet a plusieurs atouts de son côté.

Les atouts du peuple des connectés pour proposer une alternative

Démocratie Internet

image flickr / Waag Society

Une ouverture sur le monde

La génération de ceux qui ont grandit avec Internet semble parfois avoir du mal à poser des frontières à certains sujets qui lui semble universels : le partage des idées, de la connaissance, l'éducation, l'environnement, l'entraide pour résoudre des problèmes...

Elle n'a ainsi aucun complexe à aller chercher ce qui se fait ailleurs, évaluer les résultats, en tirer des conclusions, chercher à améliorer et appliquer l'existant.

L'intérêt ? Nourrir sa réflexion d'idées en provenance du monde entier, gagner du temps en évaluant les avantages et inconvénients de systèmes déjà éprouvés ailleurs, engager plus facilement le dialogue avec des groupes aux intérêts variés, sans limite de localisation.

La maîtrise des outils de communication

Nous sommes tous conscient de la part grandissante de la communication dans la vie politique, avec l'écueil de la "peoplisation" trop souvent rencontrée dans les médias actuellement.

La communication, c'est heureusement aussi le moyen de faire passer les messages de la vie politique, de faire comprendre les décisions qui sont à prendre, les lois qui vont être votées, de vérifier et prouver les affirmations énoncées par des personnes à responsabilités... bref, de faire participer le peuple à la vie démocratique.

Personne ne contestera l'importance qu'a pris Internet dans la communication moderne. Les personnes les plus à l'aise avec cet outil ont un pouvoir certain pour aider la population à son appropriation et lui transmettre l'information.

La maîtrise des outils technologiques

Un point que l'on pourrait lier au précédent, mais qui me semble dépasser le seul aspect de la communication.

La technologie nous a apporté des outils adaptés pour le travail collaboratif et la prise de décision sous une forme réellement démocratique.

Si la plupart d'entre eux peuvent encore paraître obscurs à l'heure actuel pour la majorité de la population, il n'appartient qu'à nous d'expliquer leur utilisation, voir d'imaginer des outils plus faciles d'accès, plus simples d'utilisation.

Des exemples concrets de courants politiques utilisant ce genre d'outils existent déjà, je t'avais par exemple présenté l'utilisation de DemocracyOS en Argentine il y a quelques temps.

Une habitude aux solutions "alternatives"

Je pense que plus que tout, les personnes les plus "connectées" ont pris l'habitude de ne pas se contenter du statu quo et d'utiliser au contraire toutes les solutions à leur disposition pour corriger ce qui ne leur convient pas.

Leur éducation traditionnelle est complétée à l'envie avec les ressources illimitées d'Internet. Les outils qui leur sont offerts pour gérer leur quotidien ne connaissent pas de limites. Les censures qui peuvent leur être imposées ont toujours un moyen d'être contournées avec des solutions techniques appropriées.

 

Alors, une bande de geeks va-t-elle sauver notre pays ? Bien sûr que non. Ce serait bien trop réducteur de considérer ce mouvement naissant de cette manière. Ce serait biaiser dès le départ la volonté de créer une société plus juste, plus représentative. Mais ne doutons pas que beaucoup seront tentés de le balayer d'un revers de la main en le présentant de cette façon : une bande de geeks boutonneux connectée à des ordinateurs mais déconnectée de "la vraie vie".

Je salue pour ma part le courage de ceux qui ont fait le choix de se lancer dans la bataille politique, considérant que c'est la seule façon de changer les choses si le système actuel ne leur convient pas.

A défaut d'avoir la détermination de se lancer soi-même, il nous appartient à tous de partager de participer à la réflexion et aux partages de nos idées.

Il n'y a aucun complexe à avoir, de manque de légitimité à craindre. Nous avons le pouvoir des peuples connectés.

 


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Commentaires

Portrait de LaboCss

Tiens, à ce sujet d'ailleurs : http://www.dailymotion.com/video/xiyzhh_etienne-chouard-conference-le-ti...

Ça devrait te plaire :)

Portrait de Gilles

Ha Chouard.
Quelle malchance que seule l'Extrême-Droite soit de son avis :)