Partager des objets qui nous appartiennent, en emprunter d'autres à ses proches, à ses voisins, louer à des professionnels... tout ça n'est pas nouveau, on peut même raisonnablement penser que cela a toujours existé.

Pourtant, on entend parler de plus en plus distinctement d'une "sharing economy", que l'on pourrait traduire littéralement par "économie du partage" ou plus communément "consommation collaborative". On entend même qu'elle serait capable de bouleverser complètement nos modèles économiques actuels.

Nouvelle lubie de prédictionnistes qui pensent voir une tendance basée sur quelques cas particuliers ?

Loic Lemeur a exposé son point de vue lors de la dernière édition de sa conférence LeWeb à Londres.

Tu pourras trouver la vidéo de sa présentation ici, et visionner son diaporama de plus près.

Voici en tout cas les idées principales que j'en ai retenu, agrémentées de mes commentaires bien entendu.

Quelques exemples d'entreprises qui cartonnent

Kickstarter

Pour que tu comprennes bien que l'on ne parle pas uniquement d'un concept vaporeux, il faut savoir que de nombreuses entreprises récentes ont misé sur cette nouvelle économie, et que cela semble bien marcher pour elles :

- Airbnb, la plateforme communautaire de location d'appartements à la notoriété grandissante, fondée aux États-Unis en 2008, rassemble aujourd'hui 40 000 utilisateurs par jour dans 30 000 villes de 192 pays.

- LendingClub, qui s'attache au financement participatif pour permettre à des particuliers de s'accorder des prêts entre eux, connaît également une croissance exponentielle. Elle a permis des prêts pour un montant proche de 2 milliards de dollars depuis sa création en 2006. Google a notamment investi 125 millions de dollars dans l'entreprise en mai 2013, la valorisant ainsi à 1.5 milliards de dollars.

- Kickstarter, le site de financement collaboratif dont je t'ai déjà présenté quelques projets, a réuni 320 millions de promesses de dons par 2,2 millions de personnes sur 18 000 projets, dans des thématiques extrêmement variées.

- Zipcar propose des locations de voiture d'un nouveau genre et compte 777 000 membres qui se partagent 10 000 véhicules aux États-Unis, au Canada, au Royaume-Uni, en Espagne et Autriche. Elle a été racheté en janvier par le groupe américain AVIS pour 491 millions de dollars.

- la consommation des médias à également été bouleversée ces dernières années, entre les services de streaming de musique (Deezer, Spotify...) mais aussi de télévision aux États-unis et peu à peu dans plusieurs pays d'Europe (Netflix)

- pour te donner un autre exemple encore un peu plus proche de nous, on ne peut que constater le succès des systèmes de vélos en libre service tel que le Vélib' parisien (et c'est loin d'être le seul !)

Ce ne sont que quelques exemples parmi tant d'autres, parmi les plus parlants.

Pourquoi partager plutôt qu'acheter ?

airbnb

Qu'est-ce qui pousse les consommateurs à changer leurs habitudes ? Et surtout : pourquoi aujourd'hui ?

- la crise économique est évidemment dans toutes les têtes, et qui dit budget réduit dit recherche de solutions pour continuer à consommer sans trop se priver. On cherche à économiser en empruntant chez les voisins... et pourquoi pas à gagner un peu d'argent en louant ses propres biens.

- y'a-t-il enfin une once de conscience écologique qui s'installe chez les êtres humains ? En tout cas certains commencent à en avoir assez du gaspillage et de voir se vider les ressources de la planète pour des objets finalement trop peu utilisés. Est-ce toujours réellement par volonté de préserver la planète, ou pour des raisons purement pécuniaires, le débat reste ouvert.

"Il y a toujours quelque chose de mieux, de plus gros, de plus rapide. Plus nous possédons, plus nous en voulons" (extrait de la conférence de Loic Lemeur)

- peut-être aussi un peu de ras-le-bol face à l'énorme choix de produits que nous avons, dont certains de mauvaise qualité mais qui trouvent toujours des acheteurs.

- enfin, la révolution du SoLoMo : Social. Local. Mobile.

Être présent dans les réseaux au coeur de la communauté. Être proche de celle-ci. Être mobile. La démocratisation des moyens de communication mobile permet l'apparition de services de partage totalement nouveaux. Les habitants des pays développés peuvent être connectés partout, en permanence. Et ils ne se privent pas d'utiliser la technologie pour les aider à faire ce qu'ils souhaitent faire.

Autre fait important : le partage est au coeur de la croissance technologique, et d'une bonne partie de la culture qui l'accompagne (Linux, Mozilla, Wikimedia,...)

- et si finalement, on se rendait peu à peu compte que posséder plus de choses n'était pas connecté à notre bonheur ?  Se dirige-t-on vers une culture où posséder moins de choses est un signe de meilleure qualité de vie ?

Si les consommateurs se dotaient peu à peu d'un nouvel état d'esprit ? De la simplicité. De la  traçabilité et de la transparence. La confiance dans une communauté. La participation, la collaboration.

Utopie ou réalité, j'imagine qu'un débat sur le sujet serait sans fin. Il est très difficile de connaître les réelles motivations qui poussent les comportements des consommateurs.

En tout cas les entreprises qui se lancent sur cette voie mettent l'accent en priorité sur la communauté. Elles doivent démontrer qu'elles ont un objectif, un but, et acquérir la confiance de leurs utilisateurs pour perdurer.

"D'ici la fin de cette décennie, le pouvoir et l'influence ira largement à ces gens qui ont la meilleure réputation et réseaux de confiance, que ceux avec de l'argent et la puissance nominale" Craig Newmark (CraigList)

Une simple mode, ou une véritable mutation dans les mentalités et pour l'économie ?

Consommation collaborative

source : enquête Ademe sur les Français et les pratiques collaboratives. Les pourcentages indiquent la part de personnes interrogées ayant déjà pratiqué l'action décrite.

Il y a déjà plusieurs exemples d'entreprises ayant mis la clé sous la porte, la plupart dont tu n'as sans doute jamais entendu parler telle que whipcar, cloo (location de... ses toilettes !), loosecubes...

Car évidemment, dès qu'un secteur est en croissance, nombreux sont ceux essayant de creuser leur trou, mais il n'y a généralement jamais assez de place pour tout le monde. Les moins solides disparaissent rapidement.

"Certaines ont créé des places de marché plutôt que des communautés" explique Loic Lemeur.

Et ce concept d'économie du partage compte (heureusement !) son lot de détracteurs virulents, accusant ces systèmes de n'avoir rien de "partage", et d'être menés par des entreprises qui n'ont elles-mêmes aucune envie de partager.

Comme expliqué précédemment : la confiance est justement la clé.

La croissance de la sharing economy peut bien entendu être ralentie par des grandes entreprises et des gouvernements aux intérêts divergents.

Mais une génération entière grandit avec de nouvelles valeurs, croyant davantage en l'authenticité, la durabilité, le partage de la communauté. Ils portent davantage leur intérêt sur la disponibilité à utiliser les objets plutôt que sur la possession.

Les grandes entreprises utilisent déjà le pouvoir de la communauté, l'investissement de marques internationales sur les réseaux sociaux pour améliorer leurs produits avec l'aide de leurs communautés n'est sans doute pas qu'un simple effet de mode.

Remplacerons nous le consumérisme par le partage peer-to-peer ? Le système actuel de l'économie industrielle qui centralise la production, la richesse et le contrôle disparaîtra-t-il ? Finirons-nous au contraire par fonctionner complètement selon le modèle cher aux internautes du peer-to-peer ? L'économie du partage est-elle la prochaine révolution économique au même titre que l'on annonce l'impression 3D comme la future révolution industrielle ?

En tout cas, cela semble bien plus qu'un simple relent de nostalgie des heures de gloire du communisme.

Car après tout, le partage tel qu'il est vu dans cette "sharing economy"  ne consiste pas à mettre ses biens à disposition des autres gratuitement, pour être "quelqu'un de bien" ou par pur altruisme. C'est surtout partager les coûts de production et/ou d'entretien de ces produits. C'est créer de la valeur en utilisant davantage des biens sous-utilisés. C'est participer au financement de nouvelles entreprises.

Et si tout le monde parvenait à y trouver son compte ?

 

N'hésite pas à partager tes idées et expériences sur le sujet !


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Commentaires

Portrait de karoll

Finalement l inventeur des bibliothèques avait 1 sacrée avance sur son temps ;)

Plus sérieusement, l échange et le partage, dans une société tellement individuelle, redonnerait de l optimisme à ce monde

Et puis il y a Swopera, aussi ! ;)

Portrait de coreight

Avec le lien c'est encore mieux ;-)

Portrait de Ben Renoul

De mon point de vue, l'économie du partage (basée sur une logique d'ouverture de l'accès) est souvent confondue -à tort- avec l'économie collaborative (basée sur une logique de rentabilisation tant pour l'offreur que pour le demandeur).
Pour voir le fossé qui les sépare, il suffit d'observer la différence entre Couchsurfing (une communauté au sein de laquelle les gens s'entraident) et Airbnb (une plateforme où chaque peut réserver un B&B auprès de particuliers, et paient pour cela). Dans le 1er cas, le challenge est de trouver un nouveau modèle économique permettant l'accès et le partage, alors que dans le 2nd il est surtout question d'encadrer l'explosion des monopoles traditionnels (ex : taxis, hébergement, restauration, enseignement, travail, ...) pour que restent assurées la qualité de service et la sécurité du client (car il s'agit bien là de clients).
Leur point commun reste néanmoins l'horizontalité des échanges, qui n'a jamais été aussi forte depuis des siècles (d'où le défi majeur de la confiance P2P).

la consommation se socialise tandis que la relation client s'individualise