Quelques mots sur le travail collaboratif
Le terme "collaboratif" est assez répandu sur le web, nombreux étant les projets et travaux menés en commun par des groupes de personnes organisés selon des méthodes dérogeant un peu des méthodes de travail "traditionnelles". On pensera par exemple à GNU /Linux, Wikipédia (et tous les Wiki d'ailleurs), ou encore Framasoft...
Dans les entreprises, et pour la plupart d'entre nous, ce n'est pas vraiment une façon habituelle de travailler.
Et pourtant, il peut y avoir de nombreux avantages au travail collaboratif, à condition de s'y prendre de la bonne façon, et d'éviter certains écueils.
J'ai trouvé à ce sujet des tonnes de ressources extrêmement complètes sur le web, mais qui nécessitent de vraiment se plonger dans le sujet.
Voici donc quelques idées synthétiques issues de ces lectures et de ma propre expérience, en renvoyant vers les sources si tu veux en savoir plus.
Bien entendu, tu ne manqueras pas de critiquer et compléter cet article en commentaires... c'est ça aussi, le travail collaboratif ;-)
Les caractéristiques du travail collaboratif
Allez, une petite définition pour faire le mec qui a creusé le sujet :
"Le travail collaboratif est le travail réalisé en commun par plusieurs personnes qui mutualisent leurs connaissances et leurs compétences, s'organisent et coordonnent leurs actions pour obtenir un résultat dont ils sont collectivement responsables." (source)
Bien, voilà un bon point de départ. En fouillant un peu, voici pour moi ses principales caractéristiques :
Pas d'organisation hiérarchisée traditionnelle
Nous avons tous plutôt l'habitude dans nos entreprises aux organisations hiérarchiques, avec un chef qui n'en fout pas une et des larbins sous ses ordres avec différents niveaux opérationnels et de direction.
Un principe qui me semble fondamental dans le travail collaboratif est de placer tous les membres du groupe sur le même plan. Beaucoup auront alors peur ne se trouver face à une somme d'individualités rapidement ingérable, et seront alors tentés de reproduire la hiérarchie par la création de groupes et la désignation de "chefs". Si cela peut être d'une aide précieuse pour un projet réunissant un très grand nombre de personnes, cela amènera en revanche de nombreux points négatifs sur des groupes plus réduits. Mais j'y reviendrai plus loin.
Une responsabilité globale et collective
"Collaboratif" a un sens différent de "coopératif" : on entend par "coopératif" la division d'une tâche en actions réparties entre individus qui vont les effectuer de façon autonome. La responsabilité de chacun est alors limitée à ses actions, les interactions se limitent à l'organisation, la coordination et le suivi. L'exemple le plus parlant est celui de la construction d'une maison, avec les différents corps de métiers travaillant indépendamment pour un même objectif final.
Dans le cas du travail collaboratif, il n'y a pas de répartition a priori des rôles, la responsabilité est globale et collective. On peut prendre l'exemple des sports collectifs : même si chacun a sa spécialité, on peut difficilement imputer la défaite d'une équipe de foot à la seule responsabilité d'un gardien de but défaillant.
Il s'agit de construire ensemble, par itération, plutôt qu'en parallèle. Un membre du groupe avance sur un sujet, le propose aux autres, chacun donne son avis et corrige pour une validation par tous. Pas de stress et de pression inutile sur la personne qui prend l'initiative, bien au contraire.
Le travail collaboratif est plus difficile à mettre en oeuvre car il implique davantage chaque individu, en le rendant moteur, plutôt que de s'appuyer sur un petit groupe de "décideurs".
Mettre à profit les compétences de chacun... et répartir les tâches par volontariat.
Face à un projet nécessitant des compétences variées, et une équipe organisatrice souvent hétéroclite, il s'agira alors "d'utiliser" les talents de chacun de la manière la plus efficace possible.
La méthode la plus simple est de laisser les membres prendre en main spontanément les tâches pour lesquelles ils sont le plus à l'aise... mais aussi ceux qui sont simplement intéressés pour rejoindre une partie qu'ils ne maîtrisent pas forcément et apprendre ainsi des compétences des autres.
Il restera alors forcément des tâches à réaliser qui n'emballeront pas grand monde, mais qu'il faudra bien se partager, selon les disponibilités de chacun et leur implication dans une ou plusieurs autres tâches du projet.
Utilisation avancée des outils informatiques d'information et de communication
Pour que chacun puisse disposer rapidement des informations des autres tâches et de toutes les données globales du projet, l'informatique et Internet nous offrent les outils idéals.
Je ne ferai pas un point exhaustif sur les types d'outils disponibles, mais en quelques lignes :
- des outils de communication : messagerie électronique, forums, chat, téléphone, visio conférence...
- des outils d'organisation : agenda, listes de tâches, logiciels de gestion de projet, éventuels logiciels de vote et sondage...
- des outils de stockage et de partage : services de stockage en ligne...
- des outils de connaissance : pour capitaliser sur les informations acquises et ne pas répéter les mêmes erreurs : Wiki, voir blog interne...
Pour en savoir plus : ici et là
Doit-on diviser l'équipe en groupes et désigner des représentants ?
Comme évoqué un peu plus haut, si le groupe et l'étendue des tâches à réaliser sont importants, il n'est peut-être pas inutile :
- de travailler en sous-groupe, en désignant éventuellement un "représentant" chargé en priorité d'échanger avec les autres groupes,
- de créer un groupe de pilotage, qui s'occupe du planning global, et de suivre l'état d'avancement de tous les sous-groupes.
Mais alors attention, ATTENTION : les différents rôles affectés (groupe de pilotage, représentant des groupes) ne sont pas une hiérarchie, et ne doivent JAMAIS être considérés comme tel.
Je vois au moins deux risques énormes pour le projet :
- le frein à la prise d'initiative personnelle, en se reposant sur le "chef" de chaque groupe (avec des questions du type "on fait quoi après ?" alors que la liste de tâches définie tous ensemble ne demande qu'à être avancée), et en faisant peser sur ceux-ci une responsabilité trop importante.
- le manque de transparence et la création d'un groupe de "petits chefs", par l'échange privilégié entre les représentants de chaque groupe et l'éventuel groupe de pilotage. Toutes les discussions et décisions doivent être ouvertes à tous.
Quid des disponibilités de chacun ?
Bien entendu, tout travail de ce type dépend très fortement des motivations et de la disponibilité de chacun.
Si l'objectif final doit être la principale source de motivation, tout le monde ne pourra pas être opérationnel au même niveau à toutes les étapes du projet. Et ce n'est pas grave !
Mais il est en revanche indispensable que chacun exprime au reste du groupe ses périodes de non-disponibilité, pour ne pas que le silence soit perçu comme un manque d'engagement pour le projet.
Une attitude positive à toute épreuve
Difficile de faire travailler des personnes ensemble, d'autant plus dans un système non-hiérarchique que beaucoup ne connaissent pas.
Le caractère des membres du groupe et surtout leur attitude positive face aux épreuves et aux difficultés me semble primordiaux pour la réussite d'un projet de ce type.
Cela sera à mon sens en grande partie résolu si les caractéristiques du travail collaboratif sont respectées : responsabilité partagée, transparence totale, volontariat.
Un travail plus rapide et efficace ?
En conclusion, une petite réflexion qui me paraît très importante : il ne suffit pas de penser que le travail collaboratif sera la solution à tous les types de projets. Il implique une forte implication et motivation de la part des membres qui composent le groupe, comme l'explique parfaitement la page dédiée sur Wikipédia :
"Le travail collaboratif, comme le travail collectif (dont il est une des variantes) n'est pas nécessairement synonyme d'efficacité, d'efficience, ni de rapidité. Son résultat dépend de la motivation de ses acteurs à collaborer, du nombre de ces acteurs, du temps qu'ils peuvent consacrer à ce travail et de leurs compétences. Il présente l'intérêt majeur d'associer les capacités de création et de potentiellement obtenir ce qu'il y a de mieux avec les ressources disponibles dans un groupe, si les éléments de ce groupe sont motivés."
"Pour pouvoir parler de travail collaboratif, il ne suffit pas de placer côte à côte des individus qui travaillaient auparavant de manière séparée. Les interactions entre individus propres au travail collaboratif doivent favoriser la coopération, la productivité et l'innovation."
N'hésite pas à nous faire part de ton expérience sur le sujet, de tes critiques et idées !
Ressources complémentaires :
Guide pratique du travail collaboratif, ville de Brest
Travail collaboratif à distance, Isabelle Gonon
Travailler, apprendre et collaborer en réseau, cefrio
Apprentissage collaboratif et web2.0, Gilles Le Page
Pearltrees autour du travail collaboratif, ESSCA
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Commentaires
Grégory
19/03/2014
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Super article et merci pour les sources que je ne connaissais pas. Pour parler un peu d'expérience je dirais par contre qu'il y a TOUJOURS une hiérarchie mais qu'elle est bien moins visible que dans une organisation "classique". Ce n'est pas toujours un avantage et comme tu le dis, l’efficacité peut en pâtir.
J'ajouterai que gérer un travail collaboratif est épuisant, épanouissant mais épuisant :) Oui parce qu'il se gère, nous ne sommes pas des fourmis ! Alors oui, l’expérience est passionnante car elle rends vraiment heureux.
Si j'ai un conseil à donner à tout ceux que ca tente c'est de le faire ! Engagez vous sur un projet collaboratif en étant clair sur votre disponibilité. Vous aurez certainement un coordinateur, facilitez lui la vie pour aller plus loin que vous ne pouvez l'imaginer !
Grégory
Pierre
23/06/2014
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bonjour grégory, juste pour alimenter ta réflexion, la hiérarchie est une posture, et si tu imaginais des responsables (en terme d'implication) qui auraient une posture co-active. je te donnes une vidéo en lien qui parle d'holocratie dans les entreprises.
Les managers de demain seront paresseux ;) mais motivés
http://www.youtube.com/watch?v=NZKqPoQiaDE
bonne journée
Adeline
20/03/2014
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Article intéressant en effet et je crois parfaitement au travail collaboratif dans le cadre d'une association par exemple.
Dans l'entreprise, je trouve cela plus délicat à mettre en place, d'autant plus si la hiérarchie est bien établie et que la compétition entre collaborateurs est déjà présente (quant bien même elle serait minime)...
Comme tu le dis, le travail collaboratif implique une collaboration, sans pression : mais à partir du moment où il y a déjà une compétition, certains peuvent être tentés (même inconsciemment) de critiquer/modifier le travail des autres ou de noyer dans l'oeuf leurs initiatives, non pas dans l'objectif d'améliorer mais juste parce qu'ils gardent cette impression que celui qui a eu de bonnes idées sera mieux vu/récompensé...
Bref, mon point de vue : je pense que si la compétition entre collaborateurs a été mise en place par le management en entreprise, il doit être très difficile de repartir sur de bonnes bases pour lancer un projet en mode collaboratif!
Pierre
23/06/2014
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Bonjour adeline
changer l’état d'esprit et la façon d'être, comme je ne connais pas d'échelon hiérarchique ou les gens ne se plaignent pas de leurs conditions de travail il y a un terrain fertile à labourer je penses:) Bien sur la hierarchie étant top down il faut d'abord travailler sur le soit disant leadership (le management) de l'organisation, juste pour qu'il adhère et fédère. Ensuite empathie et idéation globale de toute la pyramide du down au top, connecter la machine à café sur le logiciel de gestion et vis versa, j'aime cette image :)
Olivier Schimpf
21/03/2014
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Bonjour Matt,
Très intéressant cet article.
Ma vision du travail collaboratif, et je parle d’expérience, est qu’il est très enrichissant pour tous les participants du projet. Chacun peut apprendre de l’autre. "L’équipe" est plus forte que l’individu…
Maintenant en sortant du monde des bisounours, comment dans toutes organisation, il faut des moteurs et c’est là que je rejoins Grégory, c’est épuisant et chronophage.
En entreprise, nous avons de plus en plus de management transversal qui décloisonne les verticales en favorisant la collaboration entre les équipes, les experts, les services.
Les objectifs sont :
- élargir les connaissances et compétences de l’équipe projet,
- de permettre une meilleure circulation des informations entre les services,…
Mais cette forme de management, n’est pas une mode, elle est liée au développement des entreprises. Beaucoup d’entre elles travaillent en multi-sites dans le même pays ou pas. Donc les équipes sont réparties sur plusieurs continents avec des cultures complètements différentes les unes des autres. Avec des habitudes de travail, de managements aussi variées que les nationalités.
Cette forme d’organisation requière pour le "chef d'orchestre" une grande capacité d’adaptation de tous les instants. Il doit savoir :
- agir en pilote plus qu’en "chef",
- fédérer l’équipe et en s’appuyant sur les individualités et les expertises,
- donner la cohérence à l’équipe,
- être disponible et à l’écoute.
Mais surtout il doit créer la dynamique, motiver l’engagement et coordonner son équipe
Bref, tout cela pour dire que j’adore le travail collaboratif, en entreprise ou en extra pro. Je prendre beaucoup de plaisir à découvrir, à partager et apprendre. Une de mes maximes préférée est "Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin"
Pierre
23/06/2014
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Bonjour olivier
Pour l'organisation chronophage c'est un peu comme les voitures à manivelle, oui j'en ai même connu tu vois cela fait pas longtemps, le démarrage peu être pénible mais la mécanique est robuste, un peu l'inverse des voitures d'aujourd'hui, carte à puce et fragilité du système, un simple fusible vous immobilise ;)
Je me permet de reprendre ta maxime en tête de la charte d un groupe qui vient de se monter autour de l'intelligence collective, nous somme dans un cadre multi entrepreneurial qui pose en plus nous contraint à gérer la propriété intellectuel, et on s'en sort juste parce que la façon d'être et l'éthique auront le dernier mot !?
Sheraut
24/03/2014
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Pour tout ceux que le sujet intéresse, je vous invite à découvrir les nouveaux modes de gouvernance et les outils de l'intelligence collective : http://www.scoop.it/t/societe-2-0
De part mon expérience, la motivation et l'engagement des salariés (ou citoyens) ne peut se faire sans certaines prises de conscience personnelles puis collective.
L'objectif et la vision du projet doit être partagé et permettra à chaque individu de se projeter sur le chemin à parcourir ; ils seront source de motivation pour sa propre évolution et implicitement pour le groupe. "Des meilleurs Je font un meilleur Nous".
Mots clés pour creuser : Holacratie, Sociocratie, Communication Non Violente
delcroix
28/03/2014
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Perso, même si je crois beaucoup au travail collaboratif, je ne pense pas qu'il puisse fonctionner actuellement tout au moins sans "chef". J'ai d'ailleurs écrit un billet sur le sujet !
Toutefois, je reconnais que cela peut fonctionner parfois...
Sonia
25/05/2014
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Merci pour cet article: bien écrit et bien documenté.
Avis très perso sur le sujet:
un mélange de collaboratif et de coopératif me semble une approche pragmatique raisonnable quand il s'agit de s'allier pour un objectif ponctuel (événement), et qui n'a rien à voir avec une démarche de type wiki ou fablab.
Quant au "tout le monde donne son avis sur tout"... dans ce cas: pouvoir prévoir un planning multiplié par 4 ;-)
Question: pourquoi le terme "pilote" ou "chef" est-il devenu un gros mot ?... comme "argent" ? (et je ne parle pas d'"orthographe" @Grégory)
Gagner de l'argent n'est pas plus honteux et sale, que:
- savoir motiver une équipe,
- savoir articuler approches micro et macro,
- oser arbitrer parfois,
- intégrer les propositions constructives et recadrer les propositions incohérentes avec l'ensemble...
C'est ça etre un pilote, non ?
Or, tout le monde n'a pas les mêmes compétences: certains aiment l'autonomie, d'autres préfèrent suivre, certains sont ultra précis dans un rôle, d'autres ont des visions plus larges,etc... et je ne suis pas sûre que la liberté absolue soit si efficace ni si sécurisante pour la plupart des gens...
Sinon l'humanité serait affranchie des tyrans depuis bien longtemps ;-)
Après, oui à un management différent !
Qui respecte justement les différences, sécurise chacun, ménage leurs force et booste leur créativité.
Bref un management qui pense à l'autre, pas seulement à soi et à sa zone de confort (parce que, entre nous, ce que je constate, c'est que entre la culture de schlag et celle du libre : même résultat: le burn out pour ceux qui bossent autour... )
Pierre
23/06/2014
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bj Sonia
sur ta conclusion le début correcte mais sur le burn out, non il ne peut exister a partir du moment ou le groupe soulage ;), et sur le chef, l'attitude des personnes et l'argent oui ce ne sont pas des gros mots, mais je suis au regret de te dire que de façon innée l'homme est un animal grégaire qui apprend et grandit au sein du groupe, l'éducation nous forge et lorsque tu regardes la disposition d'une salle de classe on sait à quoi, acceptation et soumission, ou en opposition contestation et isolation. Rien sur le groupe, la créativité, l'imagination, la remise en cause, l'utopie. Les bisounours c'est citoyens du monde.... la transition c'est une société liquide constituée de groupes ouverts communicants et partageants. L'argent :) est-il source de bonheur, ou le bonheur de vivre ainsi peut il être enrichissant :), pour moi l'argent est justement la source du dysfonctionnement actuel de nos sociétés, tour à tour maître et serviteur, ne serait ce pas un pervers narcissique qui empêche à notre liberté de s'exprimer!?
Autre mensonge que l'on nous vends dans les grandes écoles :) le bonheur existe (et surtout au détriment de l'autre), alors que la vrai vie, c'est le subtil mélange entre rêve, mélancolie, déception, surprise, curiosité, découverte de soi au travers des autres (principe du miroir), pour reprendre JP Sarthe Le bonheur c'est les autres.