Ce qui est bien avec les TV connectées, ou un petit gadget comme la Chromecast, c'est que lorsque l'on a un peu de temps à tuer, et que bien entendu il n'y a rien à la TV, on peut trouver facilement un truc intéressant à regarder.

Je parcourais ainsi vendredi dernier l'application d'Arte sur mon smartphone, et je suis tombé sur un documentaire susceptible de satisfaire mes intérêts technologico-geek : Apple, la tyrannie du cool, promettant d'analyser le paradoxe entourant la marque, celui d'une entreprise hyper-capitaliste érigée en symbole d'une contre-culture .

Plutôt ironique de tomber là-dessus un jour de sortie de l'iPhone 6 ;-)

J'ai trouvé le documentaire globalement intéressant, quoi que je n'ai pas vraiment accroché à l'écriture très scénarisée. Je te laisserai juger sur pièce, il est encore visionnable en replay jusqu'au 24 septembre (jusqu'à 3h40 pour les couche-tard. Ou les lève-très-tôt).

C'est surtout la toute dernière partie qui m'a accroché, durant laquelle Tim Wu, professeur de droit et à ses heures conseiller de Barack Obama, donne son avis concernant la confiance que nous accordons à des entreprises comme Apple :

"Ce qu'Hollywood a fait dans le cinéma, Apple l'a fait dans l'informatique en rendant ses machines faciles d'accès.

Les gens ont beau prétendre le contraire, en fait, c'est ça qu'ils veulent. Si vous les écoutez, ils disent tous : je veux la liberté, je veux être libre, avoir le choix de faire ce que j'ai envie de faire. Je veux être moi-même.

Mais face à un bel iPhone ou un bel iPad, ils craquent tout de suite.

De même ils vont affirmer : je veux voir des films indépendants, des films d'art et d'essai, et au bout du compte, les films hollywoodiens remplissent bien mieux les salles. C'est comme ça.

Apple a de très bonnes relations avec Hollywood, Steve Jobs l'a même formulé : "les américains veulent Hollywood (il parlait d'Apple TV).

Nous avons étudié le comportement des américains, ils veulent des contenus hollywoodiens. Ils ne veulent pas de boulot d'amateur, ils n'aiment pas YouTube, ils n'aiment pas le désordre d'Internet."

Ils veulent qu'un tri s'opère, et que l'on ne leur propose que ce qui leur convient. En d'autres termes, une recentralisation de la culture.

En fait, le concept de liberté est toujours en balance avec la place donnée à la facilité et au confort.

Tout le paradoxe est là. Un paradoxe inhérent à la nature humaine.

Technologie : équilibre entre confort et vie privée

C'est comme le paradoxe du dictateur : quelle est la meilleure forme de gouvernement ?

Aujourd'hui, on dit souvent que c'est la démocratie, mais regardez le chaos qui nous entoure. C'est le résultat d'un système trop souple.

D'après Platon, la meilleure forme de gouvernement serait une dictature, mais avec un dictateur bien intentionné.

Steve Jobs a compris ça. Le secret de l'efficacité, c'est un dictateur éclairé.

Mais je trouve qu'il est important de savoir ce que cela veut dire d'être libre et de prendre conscience des entraves éventuelles, même si elles sont discrètes.

Quand vous êtes en prison, vous êtes privé de liberté. C'est clair. Mais il existe des formes plus subtiles de coercition. La prise de contrôle sur l'univers culturel. La technologie envahissante.

De tout cela, il faut être bien conscient.

Tenez, prenez l'iPhone par exemple. Il ne vous quitte jamais, il sait toujours où vous êtes. Il vous suit à la trace, il sait ce que vous faites.

Vous lui faites confiance. D'accord, c'est vrai que c'est un produit fabuleux. Mais il faut bien savoir où vous mettez les pieds."

 

Bien entendu, Apple symbolise parfaitement la confiance aveugle que certains utilisateurs peuvent avoir en une marque, illustrée à merveille par les longues files d'attente faisant la une des journaux à chaque lancement de produit.

Je crois cependant que nous pouvons remplacer Apple par toutes les entreprises du monde d'Internet et de la technologie qui savent nous séduire.

Je ne tiendrai évidemment pas un discours prônant l'arrêt de l'utilisation de la technologie, ou un quelconque retour à un "âge d'or" béni remettant en question tous les bienfaits apportés par l'évolution technique.

Mais la conclusion de Tim Wu me plaît bien : soyons conscients de tout ça.

Soyons conscients de l'équilibre à trouver entre le confort apporté par la technologie, et notre liberté.

 


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Commentaires

Portrait de Alain Ternaute

"Paradoxe inhérent à la nature humaine" ?
Désolé, vouloir être libre tout en kiffant le sur-mesure n'est pas un paradoxe : c'est compatible, totalement compréhensible et logique.
En revanche, vouloir être libre tout en kiffant tout ce qui est unifié, standard, cloné, etc. oui c'est paradoxal car c'est renier la diversité de notre monde (qui n'est que ça), y compris la nôtre.
Personne n'aime le pré-fabriqué-pour-tout-le-monde, c'est insipide. Ne me dites pas qu'on l'aime : on le déteste. Seulement, on s'en contente, parce que c'est pratique, facile d'accès et que l'on a cette paresseuse habitude en commun, donc une culture partagée en commun.
Le sur-mesure et l'unification sont deux choses différentes, Dieu merci.

"Le cahos qui nous entoure", c'est justement parce que nous ne sommes pas en démocratie (mais en oligarchie à cercle très réduit) et que le système politique qui se rapproche le plus de cette utopie (modèle démocratique athénien : oligarchie à cercle très étendu) est volontairement confondu avec pour le remplacer dans nos esprits.
La réussite du modèle démocratique athénien, c'est que l'état est gouverné chaque jour par un "dictateur bien intentionné" différent de la veille, et qui rends ses comptes au peuple une fois sa gouvernance faite.
C.f. : prez du livre "Démocratie - histoire d'un malentendu" par l'UQAM. + Doc. Arte "J'ai pas voté". + conf. d'E. Chouard à Marseille en 2011.
http://korben.info/la-democratie-ce-malentendu.html
http://korben.info/democratie.html
https://www.youtube.com/watch?v=EV60aqBD6H4

Portrait de coreight

Décidemment j'adore tes commentaires, merci :-)
Je suis un peu méfiant vis-à-vis de Chouard et de ses apparentes fréquentations, toujours est-il qu'il fait mouche dans la plupart de ses discours. En tout cas il y a souvent matière à réflexion sur ce sujet, et je sens que de plus en plus de gens s'interrogent sur le concept de la démocratie telle que celle dans laquelle nous vivons aujourd'hui.

Portrait de Alain Ternaute

Je suis également méfiant envers Chouard, mais tout autant de F. Dupuis-Déry et même de Coreight et Korben ;) (les journalistes, n'en parlons même pas).
Ceci par principe d'indépendance d'opinion.
Est-ce que c'est différent pour toi ? Tu as eu une/de mauvaise(s) expérience(s) par rapport à Chouard ?

Portrait de coreight

Ce n'est pas différent pour moi, c'est un excellent réflexe d'être méfiant, disons plutôt "d'avoir l'esprit critique" au lieu d'avaler ce que l'on veut bien nous servir.
Pour le cas de Chouard, je me demande toujours quelles sont ses réelles motivation derrière son discours, car il remet en cause pas mal de choses (bien plus que les articles geek de korben et coreight ;-)
Donc je suis encore plus attentif à l'endroit où peut nous mener sa réflexion... ce qui n'enlève rien au fait qu'il y a des choses vraiment très intéressantes.
 

Portrait de Jonathan

En avoir conscience n'est pas suffisant en soi. C'est juste une étape necessaire avant d'agir.
Je dirais même que quitte à subir les mêmes risques et à ne rien faire pour les prevenir, je préfère ne pas les connaitre...
En fait le "en avoir conscience" est juste un moyen de se justifier, de se donner l'illusion que l'on se prend en main alors que l'on se complait dans cette relation. C'est se donner bonne conscience plutôt.

Portrait de coreight

Je pense que c'est une première étape nécessaire. Je suis d'accord qu'elle ne poussera pas forcément à changer brusquement nos habitude, mais elle peut être utile la prochaine fois que nous aurons un choix à faire.