Imprimantes 3D, n'en fait-on pas un peu trop ?
On en parle partout. Beaucoup. Et sois sûr que cela ne fait que commencer.
L'impression 3D (ou impression tridimensionnelle pour faire plus français) reçoit tous les superlatifs : la prochaine révolution industrielle, la fin de la production de masse, une avancée qui aura plus d'impact sur le monde que le web.
Rien que ça.
Mais n'en fait-on pas un peu trop ? Voir beaucoup trop ? J'ai beau être technophile et plutôt enthousiaste pour toutes les innovations prometteuses, je n'en reste pas moins très prudent quand les avis semblent trop unanimes.
Penchons nous un peu plus près sur le sujet.
Un peu de technique et d'histoire
Sans entrer trop dans les détails, mais pour que tu saches un peu mieux de quoi il retourne :
L'impression 3D est une méthode de production additive : plutôt que de fabriquer des objets en retirant de la matière (découpe, fraisage...), on va au contraire en ajouter, par couches successives.
Tu vois comment fonctionne une imprimante classique ? Et bien imagine simplement qu'au lieu de se contenter de déposer une fine couche d'encre sur le papier, on remplace l'encre par un autre matériau (plastique, cire, métal, plâtre...), et que la machine en superpose plusieurs centaines de couches, voire milliers. Nous verrons ainsi les lettres "sortir" de la surface plane pour créer un relief.
Tu vois d'ici le délire : en remplaçant le traitement de texte par une modélisation 3D, et en se débarrassant du support papier, on peut aboutir à la création d'objets, avec ton imagination pour seule limite.
Le mieux est sans doute de voir une de ces machines en action :
Il existe différentes techniques d'impression, mais je n'entrerai pas dans le détail ici (et tu trouveras plus de détails sur le fonctionnement ici (en anglais).
Une vraie nouveauté ?
Pas vraiment en réalité. Cela fait plus de 20 ans que ces techniques existent. Elles sont par exemple couramment utilisées pour la réalisation de prothèses dentaires.
Pourquoi en parle-t-on autant aujourd'hui alors ?
Car ces machines seront bientôt à la portée de tous. On en trouve déjà à moins de 400€. Fabriquer sa propre tasse à café serait alors possible pour tous, ou remplacer la pièce cassée et introuvable de sa machine à laver.
Ok, sympa... mais pourquoi parle-t-on de révolution ?
La fin du "Made in China" ?
"Je casse une assiette aujourd’hui. Je prends ma voiture pour aller chez Ikea en acheter une autre (construit en Chine). Je casse une assiette demain. Je vais chercher sur Internet le fichier numérique « assiette », puis je demande à mon imprimante 3D de m’en créer une nouvelle sous mes yeux ébahis." (sur l'excellent Framablog)
Vu comme ça, l'impression 3D n'est pas une simple nouvelle lubie de geek. On touche là à l'industrie, à l'économie et à l'écologie de l'ensemble de la planète.
On relocalise la production. On évite les aberrations des transports excessifs.
Certains y voient également la fin de l'obsolescence programmée, en donnant la possibilité à n'importe qui de remplacer les pièces défectueuses de ses appareils.
La fin de la production de masse : place au sur-mesure, accessible à tous ?
Si ce type de machine devient presque aussi abordable qu'une imprimante classique, pourquoi se priver ?
Il n'y a plus qu'à trouver des plans pour l'objet que l'on souhaite fabriquer, qui risquent de pulluler sur le web dans les prochaines années, et si besoin de les retoucher soi-même. Les logiciels de modélisation 3D gratuits comme SketchUp restent relativement simples à utiliser pour qui s'y intéresse un peu.
Un investissement de temps et d'argent trop important pour l'utilisateur occasionnel ?
Pour les bricoleurs ne souhaitant pas investir dans une machine de ce type, il faudra sans doute compter sur le développement un peu partout de Fab Lab, ces ateliers coopératifs où chacun peut venir utiliser des machines-outils pilotées par ordinateur pour concevoir et fabriquer ses propres objets.
Et pour les autres, les entreprises proposant de vous rendre ce service de fabrication d'objets personnalisés vont se développer. Exemple marquant en date, la start-up française Sculpteo qui vient de remporter le prix de la meilleure innovation pour son application mobile lors du CES de Las Vegas.
"La révolution numérique n’a pas commencé avec les premiers ordinateurs, lesquels remontent aux années 40. Elle est arrivée avec l’ordinateur individuel, qui est apparu dans les années 80 puis par Internet dans les années 90. La clé n’était pas la technologie, mais la démocratisation de cette technologie." Chris Anderson.
Les bienfaits de l'open-source dans le monde des objets
Une grande idée semble accompagner les plus ardents défenseurs de l'impression 3D : celle de faire respecter les critères de l'open-source pour cette technologie.
Figure-toi que cela à un nom : l'open hardware.
Une petite présentation vaut parfois mieux qu'un long discours :
(bravo au NYBICC en passant)
Chacun pourrait alors contribuer à améliorer la fabrication des objets, et bénéficier des immenses ressources de la communauté.
Quelques idées d'utilisations fascinantes
Pour la recherche
Des fossiles ou objets anciens peuvent être scannés puis reproduit fidèlement pour permettre leur étude dans les meilleures conditions.
Pour l'art
Les possibilités de création sont bien entendu gigantesques... mais aussi la reproduction très précises des oeuvres pour préserver les originaux.
Pour l'industrie
Des prototypes rapides et peu coûteux avant de lancer des productions à grande échelle, ou encore la réalisation de maquettes (architecture, aménagement du territoire...).
Et bien entendu également le remplacement de nombreux procédés de fabrication "classique".
Pour la médecine
La fabrication de prothèses sur-mesure grandement facilitée... mais aussi de futures organes par impression de tissus humains ! Ne crois pas que ce n'est que la science fiction, des entreprises existent déjà.
Et ce ne sont que quelques exemples ...
Un peu d'attention tout de même
S'il peut y avoir de quoi s'enthousiasmer après ces quelques exemples, quelques questions restent toutefois posées :
- pour le quidam moyen, est-ce que cela sera vraiment une source d'économie ? La réduction des coûts possible par la production de masse peut-elle être concurrencée par la production à l'unité ou en très petite série ? Sans oublier le temps passé à la fabrication : pourquoi passer des heures à concevoir et construire ses propres objets alors qu'il suffit de prendre sa voiture et d'aller au supermarché du coin pour les acheter tout faits ?
- peut-on vraiment remettre complètement en cause la complexité et l'expertise industrielle ? Peut-on arriver au même résultat en terme de qualité des objets créés ?
- qu'en sera-t-il du respect des normes de sécurité : peut-on vraiment fabriquer soi-même des pièces pour sa voiture ? des jouets pour ses enfants ?
- la guerre des brevets pour protéger la production d'objets ne va-t-elle pas stopper net la progression de l'impression 3D ? Nul doute que bien des entreprises seront tentées d'avoir recours à ces moyens.
- faut-il avoir peur des dérives dans les objets produits : vers des armes faites maison ? quelles limites pour l'utilisation médicale ?
Bref, comme à chaque avancée technologique importante, des questions d'ordre éthiques sont à poser sérieusement. Pas question de légiférer à tour de bras, comme c'est souvent le cas pour les technologies que nos dirigeants ne maîtrisent pas, mais il y a sans doute de quoi s'intéresser et s'investir sur le sujet, pour accompagner le développement dans les meilleures conditions.
Des entreprises françaises dynamiques semblent se diriger vers un bel avenir, il y a peut-être un train à prendre en marche avant qu'il ne se déplace trop vite, non ?
Alors, une (r)évolution ?
Je te laisse méditer sur cette illustration, qui montre les phases classiques d'adoption d'une technologie :
- naissance de la technologie
- pic d'attentes exagérées
- creux de désillusion
- pente de l'illumination
- plateau de productivité
Tu vois sans doute où l'on se trouve vraisemblablement à l'heure actuelle ? C'est aussi pour ça que je n'ai pas cité l'impression 3D dans mes tendances web et high-tech pour 2013.
Dans tous les cas, cette technologie ne remettra sans doute pas tout en question. Elle sera un complément à la production d'aujourd'hui, avec des potentialités gigantesques.
Il restera alors à l'utiliser intelligemment.
Cela mérite sans doute que tu t'intéresses au sujet dès maintenant.
Quelques sources pour en savoir plus (en complément des différents liens insérés dans l'article) :
http://www.slate.fr/story/66105/imprimante-3d-revolution-industrielle
http://www.framablog.org/index.php/post/2012/09/17/troisi%C3%A8me-revolution-industrielle
http://www.makeuseof.com/tag/the-3d-printing-revolution-leaps-ever-closer-to-consumer-level/
http://mashable.com/2011/04/10/3d-printing-pics/
http://mashable.com/2012/02/26/3d-printing-change-worl/
Tu aimes ce site ?
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Commentaires
Pandoon
11/01/2013
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En tout point d'accord avec toi, on en parle de plus en plus comme étant la révolution, c'est certes très beau sur le papier, mais faut voir tous les détails, et je suis plutot mitigé... Ok, le prix de la machine n'est pas trop élevé, mais il y a aussi la qualité de la machine (temps de fabrication, etc...), la qualité de la fabrication (pas sur que mettre un truc couche par couche soit plus solide...), et un truc que je ne vois jamais (pas fait de recherche non plus), c'est la matière première! A chaque fois, personne n'en parle, mais je pense que c'est un des point de départ...la porcelaine m'étonnerait qu'ils l'utilisent sous forme solide...sous forme liquide? Ok, mais à ce que je sache, la forme liquide ne se trouve pas ainsi et ne se conserve pas non plus ainsi... Idem pour les autres composants... Et le réservoir? Le prix?
Autre chose, le made in china fini? Non, tout le monde n'achètera pas d'imprimante 3D, tout le monde ne s'y connait pas en CAO (même si il y a l'open), et puis surtout, les chinois peuvent également acheter des imprimantes 3D! xD
Et il y a aussi des dangers: une photo d'une clé, et hop, on en a la copie... Je m'en souviens de 2 faits: une personne avait réussi à reproduire des clés de menottes de cette façon, et une autre, des clé de bureaux du FBI à partir d'une simple photo prise au téléobjectif par une fenêtre!
Vince
14/01/2013
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"Et il y a aussi des dangers: une photo d'une clé, et hop, on en a la copie..."
Je ne comprends pas le rapport avec les imprimantes 3D. Le problème, c'est pas l'imprimante 3D, c'est le fait de laisser ses clés en vue.
Et puis il n'y a pas besoin de passer par l'imprimante 3D pour reproduire une clé. Acheter une ébauche pour la tailler en fonction de la photo coute moins cher, et c'est surement plus facile que de modéliser une clé !
Quelques liens (en):
http://hackaday.com/2009/09/22/photographic-key-duplication/
http://singularityhub.com/2011/06/29/your-keys-can-be-copied-from-a-pict...
coreight
20/01/2013
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Je rejoins l'avis de Vince concernant la copie de clés
patrick
12/01/2013
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Effectivement, beaucoup de bruit pour ces Imprimantes 3D qui existent depuis 20 ans dans l'industrie. Maintenant ce qui est tout de même intéressant c'est que ces machines deviennent disponibles pour le plus grand nombre, l'autre aspect intéressant ce sont les débouchés. Le made in china n'est pas la solution ultime de production, en revanche fabriqué un bouton en Chine cela coute moins cher mais après il ya le cout de transport , finalement les imprimantes 3D ça peut aider, affaire à suivre !
forum webmarketing
23/01/2013
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Moi j'ai fait la modélisation 3d sous blender puis sous lightwave 3d c'est complètement différents que le croquis au crayon et les logiciels sont 100% anglais même si des traductions existent.
De plus avec le prix du pétrole qui augmente peut être que le coût du transport va augmenter et peut être que la france redeviendrait compétitive, avec internet et la démocratisation de ces machines peut être que de nouvelles entreprises (star-up) vont apparaître et de bonnes choses pour nous consommateur bref às uivrez.
CA
02/02/2013
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Révolution, et peut-être même au sens politique du terme : http://yannickrumpala.wordpress.com/2013/01/19/les-nouvelles-technologie...
Les arguments sont longuement développés dans le texte en pdf.
coreight
05/02/2013
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Très intéressant, merci !
ben_kenobi
12/09/2013
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Cela fait longtemps que les imprimantes 3D "basique" existent et n'avaient qu'un but : créer un proto, histoire que ça parle davantage aux chefs..
maintenant, les qualités différentes d'imprimantes, leur vitesse, permettra d'obtenir des impressions de qualités différentes.
Et c'est surtout là que le danger réside car un objet pourra être créer pour un usage permis PAR un minimum de qualité, mais qui empêchera le gugus au fin fond de l'Ardéche de vouloir l'imprimer avec une imprimante à 250€ et son plastique de mauvaise qualité (même si, au départ, l'impression a pu être faite avec du métal...) ?
http://www.gridam.com/2013/07/limpression-3d-a-base-de-metal-liquide/
du coup, un nombre important d'accident pourront advenir dans un futur très proche, à moins d'informer et de standardiser la qualité (en somme que les drivers empêchent une impression si un niveau minimal de qualité est requit...).
ça n'empêchera pas les cons de se faire sauter la cervelle, mais ça évitera les procès qui ne manqueraient pas de suivre...
En tout cas, c'est le début de la cata ;)
Philippe
06/02/2015
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Je regrette que la France n'investisse pas plus dans cette technologie... A part le Groupe Gorgé et plus récemment BeAM, les fabricants en fabrication additives se font rares dans notre pays... A quand la mise en place de pôles compétitivités et de vrais plans d'investissement comme le font les Etats-Unis et le la Corée du Sud ?