J'ai l'impression qu'une sérieuse envie de changement concernant l'organisation politique de notre pays souffle depuis quelques temps.

Je pense d'ailleurs que l'actualité morose concernant nos libertés et Internet altère sérieusement le reste de confiance qu'une partie de la population avait en nos dirigeants. Pendant que tout le reste du pays s'en fout, mais c'est une autre histoire.

Je te parlais récemment de l'idée un peu folle de Korben de "hacker la démocratie", qui a donné lieu à des centaines de contributions et l'utilisation d'outils collaboratifs pour participer, échanger ses idées, sur les conditions nécessaires d'une forme de gouvernance répondant mieux aux aspirations d'une grande partie des citoyens de notre pays.

Il y est beaucoup question d'organisation, et d'utilisation des outils modernes à notre disposition pour améliorer nos démocraties, en permettant à l'ensemble de la population de s'informer sur les décisions politiques, donner son avis, voter, de manière simple et sûre.

Je t'avais justement partagé l'exemple de Pia Mancini en Argentine, à l'origine d'un projet intéressant de logiciel destiné à l'information et l'expression des citoyens sur la vie politique de leur pays.

Pour reprendre quelques extraits de son intervention :

"Pensons à ce sujet de cette manière : nous sommes des citoyens du 21ème siècle, faisant de notre mieux pour interagir avec des institutions du 19ème siècle, qui sont basées sur une technologie de l'information du 15ème siècle. (...)

C'est donc un système dans lequel nous pouvons choisir nos gouvernants, mais nous lâchons complètement prise sur la façon dont ces élites prennent leurs décisions. (...)

Au jour où les nouvelles technologies de l'information nous permettent de participer globalement à toute conversation, les barrières de l'information sont complètement baissées et nous pouvons, plus que jamais, exprimer nos désirs et nos préoccupations. Pourtant notre système politique est resté le même depuis les 200 dernières années et s'attend à ce que nous nous contentions d'être de simples auditeurs passifs d'un monologue."

Elle expliquait ensuite la création d'un outil collaboratif disponible pour tous, et l'utilisation concrète et plutôt encourageante dans son pays.

Il ne manquait plus que quelques bonnes volontés pour expérimenter son utilisation en France.

Et la bonne nouvelle m'est arrivée la semaine dernière sur Twitter :

 

DemocracyOS débarque en France

Democracy OS France

D'accord, ce titre est un raccourci un peu rapide, car puisque nous parlons d'un outil il serait plus précis de dire qu'un premier groupe de citoyens de notre pays s'est lancé dans la création d'une plateforme utilisant DemocracyOS.

Derrière ce projet, plusieurs étudiants de Science Po Paris, qui expliquent un peu plus leurs intentions dans une tribune de l'un d'entre eux sur un site de think thanks. Extraits :

"Internet a changé presque tous les aspects de notre vie quotidienne... sauf le fonctionnement de notre démocratie. (...)

En 2015, alors que la défiance envers le « système » apparaît à son comble, tout un écosystème militant se place pour promouvoir une démocratie plus ouverte et remettre sur la table la promesse qui était celle de notre République française : le gouvernement de tous, par tous et pour tous. Les initiatives et les plateformes participatives se multiplient, autour de la concertation, de la consultation, de la co-création ou de la co-décision.

Nous sommes conscients que la technologie seule n’a jamais rien résolu. Aucun parmi nous ne souhaite en finir avec cette vision que la politique est, et restera, une chose par essence humaine. Mais Internet fournit aux hommes et aux femmes de tous pays des interfaces formidables pour transcender la distance, cet obstacle bien trop souvent utilisé pour légitimer les dérives d’un système qui se transforme jour après jour un peu plus en une véritable oligarchie."

Les deux objectifs affichés par le collectif :

- se servir de leur plateforme pour laisser s'exprimer l'opinion publique sur des textes de lois importants. Ils ont d'ailleurs commencé avec la loi sur le renseignement.

- épauler tout type de structure (associations, mouvements citoyens, partis politiques...) pour la mise en place de l'outil.

Cette deuxième étape est peut-être la plus concrète et pratique : donner les moyens à quiconque intéressé de s'approprier l'outil.

Ne serait-ce pas une excellente idée pour nos chers élus d'entendre clairement la voix de leurs administrés, de pouvoir leur expliquer les textes à voter, de préciser leurs choix, leurs positions... ?

Plusieurs exemples de personnalités politiques et structures dans le monde se sont en tout cas déjà lancés : un conseillé municipal de New York, le gouvernement mexicain, le Congrès de Buenos Aires, le parti Podemos en Espagne...

Comment fonctionne DemocracyOS ?

DemocracyOS

DemocracyOS se présente comme une plateforme à installer sur un serveur, et non pas sous la forme d'un service centralisé installé quelques part, car tu imagines bien le risque de dérives.

Il faut donc avoir quelques compétences techniques à disposition pour l'installer (d'où l'intérêt de l'initiative de DemocracyOS France).

Pour les barbus qui passent par ici, le code est disponible sur GitHub et nécessite pour faire court une base de données MongoDB, une plateforme NodeJS, un petit Git qui va bien, éventuellement de l'OpenSSL.

Une fois installé, le service se présente sous la forme d'une plateforme collaborative, accessible sur tous les terminaux, mobiles compris, avec les fonctionnalités suivantes :

 

 

DemocracyOS accueil- une page d'accueil peut servir de point d'entrée pour les différents lois à discuter, en présentant brièvement le sujet et les enjeux. En cliquant sur un des liens on arrive sur l'interface principale de l'outil.

 

 

 

 

 

democracyOS menu- un menu à gauche présente les différents sujets en discussion, et les sujets fermés, avec un système de tri pour s'y retrouver facilement.

 

 

 

 

 

democracyOS texte- le coeur de l'outil permet d'afficher les textes de loi, pourquoi pas la position initiale de l'entité qui a mis en place la plateforme, avec autant de liens et d'illustrations que nécessaire.

 

 

 

 

 

democracyOS vote- un système de vote permet à chacun de donner son avis sur le texte proposé. Il laisse le choix par défaut entre Pour, Contre ou Abstention. Oui, abstention, tu sais le truc qui compte pour rien à chaque élection.

 

 

 

 

democracyOS arguments- chaque utilisateur peut développer des arguments à la suite du texte. Un système de notation des meilleurs arguments et de tri de tous les arguments enregistrés permet de distinguer rapidement les plus "pertinents" (tout au moins les plus appréciés de la communauté).

 

 

 

 

Bref un outil extrêmement simple dans sa conception, ce qui me semble indispensable pour rallier le plus grand nombre et ne pas limiter son utilisation à une poignée de geeks en mal de moyens d'expression.

Certains diront que n'importe quel développeur web pourrait créer un site similaire pour le compte d'un élu ou d'un parti politique, et ils auraient raison, je pense que l'intérêt est d'avoir là un outil clé en main, et pourquoi pas de donner envie à nos représentants de suivre le mouvement si la plateforme devient populaire (on sait à quelle point leur image est importante à leurs yeux).

N'hésite pas à tester tout ça, voir à jouer avec les fichiers sources de l'outil si tu t'y connais un peu.

Bon courage en tout cas à l'équipe derrière DemocracyOS France, en espérant que leur projet soit utilisé dans notre beau pays sous surveillance.

 


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Commentaires

Portrait de Cascador

Salute,

Je te remercie pour cet article, c'est d'ailleurs grâce à toi que j'ai entendu parlé de DemocracyOS. Je m'intéresse moi aussi à ces nouveaux outils, j'ai noté https://www.loomio.org/ et http://www.discourse.org/.

Tcho !

Portrait de Geoffroy

Salut Cascador,

Je t'invite à participer sur notre tout premier débat consacré au Projet de loi Renseignement: http://pjlr.democracyos.eu
D'autres suivront, tu pourras donc faire figure de précurseur! ;)

Et re-merci à coreight au passage pour cet article, on espère avoir une large participation sur la plateforme!

Geoffroy de DemocracyOS France

Portrait de coreight

Pas de quoi, encore bravo pour votre initiative

Portrait de coreight

Avec plaisir, merci pour les liens je vais aller voir ça aussi.

Portrait de Guillaume

Je ne pense pas qu'un tel projet puisse intéresser les politiques actuels si ils n'ont pas un moyen de le contrôler de manière non transparente. Pourquoi voudraient-ils changer un système qui leur convient pour quelque chose qui les priverait de leurs privilèges ?

Portrait de coreight

Tout à fait, l'exemple de ce qu'à fait l'équipe de Pia Mancini en Argentine est très intéressante pour cette raison. Je t'invite à visionner son intervention en conférence TED à l'occasion (je l'ai diffusé ici il y a quelques temps aussi)

Portrait de Erwan

Il y a un certain nombre d'initiatives de ce genre depuis cinq ans environ. Par exemple, la plateforme Betri Reykjavik (Your Priorities) mise en place pour la ville de Reykjavik en 2010 lorsque le "Meilleur Parti" (Besti flokkurinn) gérait la ville ou LiquidFeedback utilisé par le Parti Pirate Allemand depuis à peu près autant de temps.