De l'utilisation des médias sociaux en période de crise
Comme beaucoup de blogueurs que j'ai lu ces derniers temps, j'ai eu du mal à revenir ici traiter de sujets futiles avec l'atmosphère pesante qui règne depuis une semaine, y compris sur le web.
Internet et les réseaux sociaux ont d'ailleurs été une nouvelle fois au coeur de la circulation de l'information, avec leurs forces et leurs faiblesses. Plus que jamais dans ces situations extrêmes, nous ressentons le besoin de s'informer et de partager.
Alors quitte à reprendre le clavier, je me suis dit que partager mes observations de ces derniers jours serait utile.
Des vérifications avant tout... lorsque c'est possible
La concentration d'un grand nombre de personnes sur un même espace virtuel, ajoutée à la difficulté à analyser sereinement les informations, conduit invariablement à la création de nombreuses rumeurs.
Sans oublier les personnes malsaines qui en invente volontairement de toute pièce, la bêtise n'ayant pas de limite.
La prudence veut que même en période de crise, peut-être même plus que jamais, il est important de chercher à vérifier les informations dont on dispose avant de les considérer comme vraie, et encore plus avant de les partager.
Certains journaux font généralement le point régulièrement sur les intox en circulation, comme l'a fait récemment Le Monde dès le 14 novembre.
J'incite cependant à la prudence quant aux conseils réguliers incitant à ne suivre que les informations provenant des "grands médias", certains d'entre eux ne coupant pas aux raccourcis sans vérifications poussées.
Dans la plupart des cas, le cheminement à avoir est assez méthodique, je l'avais déjà évoqué dans un précédent article : esprit critique, analyse de la source, recoupement de l'information, questionnement.
Bien entendu, pour les personnes se retrouvant en plein coeur d'une situation dramatique, l'instantanéité des informations d'un réseau comme Twitter est souvent la seule source, avec la plus grande difficulté à faire ce travail de vérification.
A lire sur ce sujet, le témoignage d'un parisien bloqué dans un cinéma vendredi dernier, et cet article de numérama qui fait le point sur quelques comptes Twitter à suivre et à éviter.
Également cet article qui donne quelques outils pour vérifier les images qui circulent lors des crises.
Il n'y aucun problème à ne rien dire
Dans ces moments difficiles, chacun est tenté de faire son petit commentaire, d'ajouter son message de soutien, de partager ce qui l'a particulièrement touché.
C'est parfaitement compréhensible, le lien social que permettent Internet et les réseaux sociaux prenant tout son sens.
Mais j'ai parfois l'impression que beaucoup se sentent obligé de participer au brouhaha ambiant... alors qu'il vaut parfois mieux s'abstenir lorsque l'on n'a rien de particulier à dire.
Inutile de réagir à chaud sans aucun recul. Nous avons je pense tous pu lire des réactions de colères que certains de nos proches et contacts regretteront une fois la plus vive émotion retombée.
Un conseil également valable pour les entreprises et autres comptes "officiels". Un article intéressant sur le sujet.
Il n'y a aucune obligation à faire comme tout le monde
image twitter @fierpanda
Comme nous l'avons constaté en cette triste année 2015, les élans de solidarité et l'envie de se réunir face à l'adversité a conduit à voir des slogans et images éclore ; depuis "Je suis Charlie" à "Je suis Paris" et ses avatars tricolores sur les réseaux sociaux.
Mais rien n'oblige à suivre la majorité. Chacun vit les événements tragiques à sa façon, et il n'y a aucun mal à ne pas vouloir suivre le mouvement de foule, et à partager ses peines et ses peurs d'une autre façon.
Cela fait partie de la liberté d'expression que nous défendions tous en début d'année.
Le signalement des appels à la haine et à la violence
Liberté d'expression ne signifie pas accepter de lire n'importe quoi, particulièrement lorsqu'il s'agit d'appels à la haine ou à la violence, d'apologie du terrorisme, de ségrégation envers une communauté.
Si l'on peut comprendre certaines réactions de colère exprimées sans recul, cela n'excuse pas tout.
Deux façons de réagir selon les cas :
- signaler les comptes concernés aux réseaux sociaux (les CGU des outils définissent d'ailleurs clairement ce qui est permis ou non sur leurs plateformes). Sur Twitter, bouton "Plus" en bas d'un tweet, puis signaler, ou carrément icône engrenage en haut à droite sur un profil.
Sur Facebook, petit chevron en haut à droite d'une publication, "Signaler la publication", ou icône "Plus" sur la photo de couverture d'un profil, puis "Signaler".
- signaler les messages ou comptes concernés aux autorités si nécessaire sur le portail dédié.
Se forcer à décrocher pour prendre du recul
J'ai lu beaucoup de témoignages de personnes ayant suivi les récents événements par l'intermédiaire des médias et qui n'arrivaient pas à décrocher de leur fil d'actualité ou des informations en temps réel à la télévision.
Mais face aux émotions fortes qui nous envahissent dans ces situations, il est sans doute nécessaire de se forcer à "décrocher" temporairement pour prendre du recul et réfléchir à la situation.
La première chose à faire à mon sens étant d'éteindre la TV et ses émissions d'infos en continu remplies "d'experts" qui font beaucoup plus de remplissage que de vraies informations. Et de couper ensuite les réseaux sociaux de temps en temps.
Et même si l'on tient à rester au maximum informé, il me semble important de varier les sources, de voir ce qui se dit aussi à l'étranger,...
Rester prudent avec ses informations personnelles
capture twitter @scott_ann
Les élans de solidarité ayant eu lieu au coeur de Paris la semaine dernière grâce aux réseaux sociaux ont une nouvelle fois montré la force de ces outils pour échanger rapidement et simplement dans toutes les situations.
Le hashtag #porteouverte à notamment rempli toutes les timelines sur Twitter, les parisiens bienveillants ouvrant leurs portes aux personnes qui ne pouvaient rentrer chez eux.
Mais nous avons vu passer à cette occasion de nombreux tweets imprudents de personnes affichant directement leur adresse exacte, voire leur numéro de téléphone.
Il me semble bon de rappeler que c'est particulièrement imprudent sur le moment lorsque des personnes malfaisantes circulent dans les rues, mais aussi pour plus tard, car Internet a de la mémoire.
Les messages privés existent sur les réseaux, et même s'ils ne garantissent pas une sécurité absolue, c'est le minimum de précaution que l'on puisse prendre.
Pour les professionnels : reprendre le contrôle de ses publications
capture twitter @4h18
Lorsque les réseaux sociaux sont entièrement remplis par une situation de crise, le moindre message s'éloignant du sujet paraît souvent déplacé.
Les community managers et autres professionnels de la communication (voire certains blogueurs) se facilitent souvent le travail en programmant à l'avance leurs publications à des heures précises.
Il est sage dans ces circonstances de couper ses "bots" dès que possible.
Attention cependant à ne pas réagir trop vivement si un pro du web ne l'a visiblement pas fait, il peut très bien être complètement déconnecté... ou directement concerné par l'événement.
J'ai ainsi vu passer des tweets rageurs à l'encontre d'un community manager, qui était finalement coincé dans un bar à Paris proche des attentats. On imagine bien qu'il avait autre chose à penser à ce moment là.
Ai-je besoin de dire qu'il est hors de question de profiter de l'affluence sur les réseaux pour faire sa promo ? Sans doute, lorsque l'on voit les réactions de certains politicards nauséabonds ayant profité de cette occasion...
Réfléchir à deux fois avant de publier sur son blog
photo pixabay
La grande majorité des blogueurs tiennent leur espace personnel sur le web pour partager leurs points de vue et sentiments avec leurs lecteurs.
La tentation peut être grande d'utiliser cet outil formidable dans les situations difficiles comme un exutoire de son trop-plein d'émotion.
Il me semble important de prendre encore plus de précautions que pour un post sur les réseaux sociaux ; un article de blog paraît toujours plus durable, il suppose que l'on a davantage réfléchit... des propos déplacés seront moins facilement pardonnables.
Quant à la reprise d'une activité "normale" après de tels événements, un excellent article sur le blog d'axenet.
A lire aussi :
7 pistes pour une attitude citoyenne sur les réseaux sociaux.
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Commentaires
Hugo
20/11/2015
Permalien
Les réseaux sociaux sont à manier avec précaution effectivement
Mealin
01/12/2015
Permalien
Article très intéressant et bien construit. Je souscris à la très grande majorité de ce que y exprime.
Le coup de la programmation des publications au mauvais moment, j'en ai été témoin et ça fait vraiment mauvais genre. Confort vs maîtrise de l'outil.
J'ai aussi ressenti le besoin d'écrire sur l'attention qu'il faut porter à la qualité des informations que l'on transmet, la désinformation "amusante" vs intox qui portent à conséquence :
[Désinformation – Crôaayez-moi fait la grenouille](http://www.pouruneimage.fr/desinformation-croaayez-moi-fait-la-grenouille/)